Concours rédactionnel 2018 – Sélection prix du public

Mini Metro

Métro, boulot, dodo… Expression maintes fois répétée pour décrire la répétitivité de notre quotidien de métropolitains, parcourant des distances chaque jour hallucinantes pour faire le lien entre nos différents lieux d’activité. Mais alors que nous nous agaçons une fois de plus de voir notre M1 bloqué au Flon pendant que les aiguilles de notre montre s’affolent à chaque seconde, nous rappelant un retard inévitable au prochain rendez-vous, nous avons tendance à oublier la complexité d’un système que nous utilisons au quotidien et avec lequel nous entretenons malgré une relation d’amour-haine: celui des transports publics! C’est à ce moment-là que Mini Metro intervient, vibrant joyeusement dans notre poche ou attendant sagement notre retour sur le canapé du salon ou au bureau, l’un de ces petits jeux chronophages qui nous permet de nous détendre, de nous évader, mais surtout permet l’impossible: nous réconcilier avec les TL, les CFF ou plus curieux encore la SNCF.

Développeur: Dinosaur Polo Club
Date de sortie: 6 novembre 2015
Console: PC/Android/iOS/Nintendo Switch
Genres: Gestion/ simulation/ indépendant

Né dans une JAM

Tout commence en 2006, lorsque Peter et Robert Curry, deux frères néo-zélandais quittent Sidhe Interractive (studio de Wellington spécialisé dans les jeux de sport), décident de se mettre à leur compte avec quelques-uns de leurs anciens collègues et créent Wandering Monster Studios, petite organisation indépendante qui développa quelques titres sans ne jamais rencontrer de succès. Un échec finalement reconnu en 2008 par les deux créateurs qui renoncent à continuer et se recyclent dans le web development.

Tout cela jusqu’à un beau jour d’avril 2013 lorsque nos deux compères participent à la 26e édition de la Ludum Dare JAM 48, une sorte de brainstorming où les développeurs, issus des quatre coins du globe, sont invités à faire preuve de leur plus grand sens de la créativité afin de créer en 48 heures un jeu autour d’un thème donné. Lors de cette édition, l’accent sera mis sur le minimalisme, et c’est ainsi que naquit Mind The Gap, référence au métro londonien et à sa phrase désormais culte répétée à chaque arrêt.

« Mind The Gap », produit d’une JAM et genèse de Mini Metro

Bien que l’accueil ait été plutôt favorable, le jeu ne sortira pas vainqueur des plus de deux mille productions, mais sera suffisant pour motiver les deux frères à fonder Dinosaur Polo Club dans le but de continuer son développement. Quelques mois plus tard, ils ouvrent une alpha publique et en moins d’une année, ils se retrouvent projetés sur le Steam Greenlight en accès anticipé avec cette fois des parutions d’articles dans une presse main stream (Huffington Post, the Verge et d’autres) interpelée par ce divertissement abordable qui vient percuter nos problèmes du quotidien. En 2015, il sortit donc officiellement sur PC, suivi de versions mobiles et récemment d’un portage sur Nintendo Switch avec une fonction multijoueurs.

Londres, Paris, New-York, le monde, ses villes et ses métros bondés

Mini metro est de ces jeux de gestion urbanistique auquel on s’accroche, on se passionne et l’on veut toujours faire mieux. On imagine la tête des habitants de notre cité, leurs habits, leur sourire ou la tête qu’ils font lorsqu’une fois de plus, «le M2 au Flon était bondé, du coup j’ai dû attendre celui d’après, p*** ça fait la 3e fois depuis le début de la semaine, ils commencent à nous embêter ces TL, en plus à la fin du mois ils augmentent de nouveau leurs prix!».

Mais dans ce jeu, nous sommes bien loin du réalisme d’un city builder conventionnel type Cities: Skyline ou Anno, coup de maître des développeurs ou héritage de la JAM, nous nous voyons projetés dans une carte de métro ou plutôt un écran quasiment blanc avec trois points noirs, un carré, un cercle et un triangle, premières stations que l’on reliera assez instinctivement à l’aide d’une ligne colorée, prémices d’un réseau futur de dizaines de gares éparpillées. Un minimalisme en apparence car il faudra se creuser la tête pour chaque station nouvellement apparue afin de l’intégrer au mieux dans notre toile déjà existante. Chaque choix a ses conséquences, c’est ce qui est rappelé à chaque fin de semaine, lorsque le joueur doit choisir entre plusieurs ressources pour améliorer le transit afin de mieux affronter la semaine suivante avec son lot de nouveaux challenges.

Chaque dimanche, un choix qui sera déterminant pour la suite de notre partie

De par son système de score (nombre de passagers transportés), le jeu nous emmène dans des parties chaque fois plus intenses et hautes en couleur. La ville joue contre nous, développe ses quartiers là où nous nous attendons le moins sur la carte et crée des endroits exclusifs où tout le monde veut se presser, à cela, en tant que simple transporteur, nous cherchons à répondre de la manière la plus adaptée à l’utilisation du réseau. Alors que les gens continuent à s’entasser dans les points de croisement, nous attendons avec appréhension que la rame suivante vienne en récupérer quelques-uns. Rien n’est plus soulageant que de voir un train arriver dans une station au bord de la surcharge, mais rien n’est plus rageant aussi que de voir ce même train ne pas avoir les capacités de récupérer autant de passagers que l’on aurait souhaité. Puis arrive le game over, la station surchargée de voyageurs en attente, ce moment où l’on fixe son écran d’un regard vide, pourtant persuadé que nous avions mis en place le réseau le plus optimal, en nous demandant si à la semaine 4 on aurait dû préférer un wagon à la création d’une nouvelle ligne ou traverser le Nil, la Tamise ou le Gange à hauteur de la station losange plutôt que de la gare carré,… Alors on recommence, espérant mieux gérer nos ressources qu’à l’essai précédent, encore et encore… C’est là une des forces du jeu, qui nous propose un gameplay addictif et avouons-le, parfois vraiment rageant ! Malgré un level design simpliste, l’immersion est donc complète et divertissante.

Un concept simpliste qui se révèlera parfois bien compliqué

Plusieurs cartes pour plus de fun

Grâce aux quelques vingt villes proposées, aux challenges spécifiques à chaque métropole et aux différents modes de jeu à débloquer, dont un menu vintage, le jeu nous protège un peu du sentiment de répétitivité qui peut être vite ressenti lorsque l’on arrive à un certain nombre de parties dans la même métropole. Chaque cité a son identité, chaque mode nous amène à nous questionner un peu plus sur nos choix, à mettre la partie en pause et à admirer les rames remplies de passagers pressés de rentrer à la maison. La visite de ces différentes villes, leur géographie et démographie uniques nous permettent de voyager sans bouger de son siège. Et honnêtement, qui n’a jamais rêvé de faire un Paris-Osaka-Washington en quelques minutes?

Hong Kong, l’une des villes disponibles avec sa population exponentielle qui se presse dans nos stations.

Mais la lumière au bout du tunnel n’est pas si rose

Bien qu’offrant une expérience de jeu intéressante, divertissante et originale, Mini Metro ne peut pas être un jeu parfait. On regrettera certaines limites du gameplay qui ne se réinvente pas, et une fois qu’on a passé le millier de passagers dans tous les modes et débloqué toutes les cartes, on se sent un peu désœuvré. Sa durée de vie promise est très longue, mais en réalité, sans challenge supplémentaire, on peut se lasser de toujours refaire les mêmes actions. On soulignera aussi un certain souci de rythme. Alors que les parties commencent par une lenteur ennuyante et nous tire jusqu’à un certain point, tout s’accélère d’un moment à l’autre et il est alors nécessaire de suivre le tempo imposé par l’arrivée de nouvelles stations. A ce moment-là, il faudra réfléchir vite et bien, remettre nos choix précédents en question et ne pas hésiter à détruire toutes nos constructions précédentes pour redessiner notre plan de lignes, un procédé parfois nécessaire lorsqu’on est bloqué mais ô combien fastidieux sur lequel on peut perdre de nombreuses minutes, et s’arracher quelques cheveux…

Finalement, Mini Metro a probablement trouvé sa clientèle en sortant spécialement sur téléphones portables et sur Switch, car c’est un jeu auquel on apprécie de jouer dans nos déplacements ou lorsque l’on a dix minutes entre quelques rendez-vous. Quant à la plateforme PC, elle se révèle moins adaptée au gameplay vraiment simple et taillé pour de courtes sessions, c’est pourquoi on préfère sur cette plateforme sans doute un jeu de gestion plus consistant.

Alors au final, qu’est-ce qu’on en tire?

Pour conclure, il s’agit indéniablement d’un jeu qui vaut le détour, de par sa direction artistique atypique (et non pas inexistante comme le diraient les mauvaises langues) et son gameplay intuitif, il est abordable par tous et offre un divertissement plus qu’agréable. L’expérience est intelligente, nous fait oublier nos temps de voyages et nous pousse à relativiser certains problèmes de notre quotidien urbain. Le jeu nous incite lui-même à la créativité, à la remise en question et à l’optimisation maximale afin d’arriver chaque fois plus loin et battre ses propres records. Alors, on lui pardonne vite ses petits défauts et son manque de substance apparente car il répond efficacement à notre demande de nous évader loin des bouchons et retards. Alors, la prochaine fois que l’on restera sur le quai du Flon avec un métro bondé en face de nous, on viendra à nous demander si les TL ne nécessiteraient simplement pas un game over pour reprendre leur réseau depuis le début et répondre d’une manière plus adaptée à la demande des voyageurs.

Pour Contre
Une interface intuitive et facile à prendre en main  Un gameplay répétitif et ennuyant sur de longues sessions de jeu
+ 20 cartes avec leurs quelques spécificités basées sur la réalité  Un manque de diversité malgré les différents modes de jeu
+ Une expérience de jeu qui sort de l’habituel  Un jeu probablement inadapté à la clientèle PC par son manque de profondeur
+ Une direction artistique qui laisse la place à l’imagination

8 thoughts on “Concours rédactionnel 2018 – Sélection prix du public

  1. J’ai beaucoup aimé l’article sur Mini Metro, donc mon vote lui revient 🙂

    Mais j’ai beaucoup aimé les autres, bravo aux participants et aux participantes !

  2. Honte à moi! Je n’ai pas pris en compte qu’il n’y a qu’un seul fil de commentaires et pas un par chronique… Je vote donc pour Tales of the Abyss.

  3. Comme ça ne se fait pas de voter pour sa propre chronique, je vote pour celle-ci!
    Un jeu méconnu, un scénario intéressant, une chronique réussie.

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