Concours rédactionnel 2018 – Sélection prix du public

The Witcher III: Wild Hunt

The Witcher III: Wild Hunt est sorti en mai 2015 sur les plateformes du moment. Acclamé dès sa sortie, il est considéré comme l’un des meilleurs jeux de cette année. Référence du RPG et du monde ouvert, inspiration revendiquée de plusieurs grosses productions, bientôt adapté en film… À coup sûr un titre marquant. J’y ai donc joué, deux ans après sa sortie. Et moi aussi, je l’ai trouvé marquant. Mais…

Développeur: CD Projekt RED STUDIO
Date de sortie: 19 mai 2015
Console: PC, PS4, Xbox One
Genres : RPG, action, aventure

De bons auspices

Reprenons depuis début: j’ai découvert la saga du Sorceleur (Witcher en anglais, Wiedźmin en polonais), écrite par Andrzej Sapkowski il y a bientôt dix ans, par le recueil de nouvelles Le Dernier Vœu. L’univers et les personnages m’ont marqué et j’ai lu tous les livres et toutes les nouvelles rattachées à notre héros, le fameux Geralt de Riv. Cette grande fresque trône à côté du Seigneur des Anneaux dans mes références fantasy personnelles. Rien que ça.

Geralt de Riv est donc un sorceleur: un humain qui a subi un entraînement particulier et que l’on a contraint à boire des mutagènes potentiellement mortels, dans le but d’en faire un chasseur de monstres. Et le monde en regorge: griffons, cocatrix, vampires, un bien beau bestiaire pétri de mythologie slave, mais aussi de nains et d’elfes, dans la tradition de la fantasy. Des pays ravagés par la guerre, des enjeux riches et multiples, une narration soignée… Une lecture que je conseille sans hésiter.

Premières impressions

J’ai suivi de loin les déclinaisons vidéoludiques de Geralt. Les développeurs, les Polonais de CD Projekt RED, avaient la réputation de sortir des jeux fidèles à l’œuvre originale, avec une narration soignée. Mentionnons aussi la générosité de leur démarche, avec plusieurs DLC gratuits pour accompagner les premières semaines du jeu. Je n’ai pas joué aux deux premiers titres, je n’ai regardé ni trailer ni let’s play; c’est l’esprit presque vierge, seulement imbibé par les excellentes critiques, que j’ai commencé The Witcher III: Wild Hunt. Première constatation: le jeu est beau. La nature, très bien mise en valeur par la lumière, ressemble à un tableau, les villes sont finement modélisées et les personnages sont eux aussi très convaincants. Et ce brave sorceleur? Pour ne pas briser le suspense, je le garde pour plus tard.

Voici une image de notre héros pour patienter.

Geralt de Riv, accompagné de Triss (à gauche) et Yennefer (à droite).

Le début…

La première quête confronte le joueur au Baron Sanglant. Une vraie réussite: un soudard inquiétant, répugnant et pourtant étonnamment attachant. Les autres personnages qui apparaissent bénéficient de la même finesse et sont fidèlement adaptés des livres. Rien à redire jusque là? Si, quelques petits défauts. Déjà, le manque de précision des combats m’a frustré. J’avais commencé en Difficile, mode de jeu qui n’a pour moi aucun intérêt. Les adversaires ont plus de points de vie et tapent plus fort, mais, étant donné la pauvreté des mécaniques de frappes, d’esquives et de sorts, l’issue des combats n’en devient que plus aléatoire. Une fois revenu au mode Normal, je n’ai plus considéré les affrontements que comme des éléments peu captivants du cahier des charges de mon héros. Deuxième point, la dynamique de nombreuses quêtes brise l’immersion. Suivre la mini-map, mettre les éléments interactifs en surbrillance à l’aide des sens du sorceleur, ce n’est déjà pas bien engageant à la base. Mais le manque de précision de l’ensemble m’a fait sortir une soluce à plusieurs reprises.

Combat de rue.

… de la fin

C’est avec un enthousiasme plus nuancé que j’ai continué ma quête: direction Novigrad, la première ville du jeu. Une impression de vie convaincante pour un jeu vidéo, un bon point. Je me suis promené, j’ai rencontré des PNJ plus ou moins sympathiques et collaboratifs, du marchand au truand, ainsi que de vieilles connaissances. Dont Triss Merigold, une magicienne, personnage important des romans, avec un charmant décolleté . Et c’est là qu’une citation s’impose:

«Par tous les dieux, je suis Triss Merigold, la Quatorzième Morte du combat de Sodden! Sur le Mont, il y a bien quatorze tombeaux sous l’obélisque, mais seulement treize corps y sont ensevelis. Tu t’étonnes qu’on ait pu commettre une telle erreur? Tu ne devines donc pas? La plupart des cadavres étaient en morceaux, et de fait difficilement identifiables; personne n’a fait le tri. Il était tout aussi difficile de dénombrer les survivants. […] On nous a prodigué les sortilèges les plus puissants, […] on a usé sans compter de toutes sortes de formules magiques, d’élixirs, d’amulettes et d’artefacts. Rien ne devait manquer aux héros blessés du Mont ! On nous a soignés, recousus, redonné notre apparence première, nos cheveux, nos yeux… Il ne reste pratiquement aucune trace… Mais je ne porterai plus jamais de robe décolletée, Geralt. Plus jamais…» (A. Sapkowski, Le Sang des Elfes)

Tenue alternative pour Triss Merigold proposée en DLC gratuit.

Une lourde chute

Le moment est venu de parler à nouveau de notre héros. Dans les romans d’Andrzej Sapkowski, deux éléments distinguent les Sorceleurs des autres humains: la résistance à la magie et l’agilité. Les aptitudes au combat et l’endurance ne sont dues qu’à l’entraînement. Toujours selon les romans, Geralt est ambigu et torturé: idéaliste qui a vécu, il tente de (se) faire croire qu’il n’est qu’un chasseur de primes en quête d’argent; très amoureux de la magicienne Yennefer avec qui il vit une histoire compliquée, il passe pourtant du temps avec d’autres femmes, non sans culpabilité. Bon combattant, il épargne parfois monstres et humains selon sa conscience.

Le jeu n’est pas fidèle à cette description: Geralt a la carrure d’un bovin engraissé aux antibiotiques, il se bat comme une brute qui fait des roulades; son impressionnante voix de contrebasse virile assène de la punchline hollywoodienne dès que l’occasion se présente; il baise la plupart des femmes qu’il croise et découpe en rondelles tout ce qui s’oppose à lui. Les autres personnages de la saga sont pervertis pour asseoir sa position de mâle alpha et l’univers tout entier est adapté pour permettre à notre héros d’assouvir ses fantasmes. Pourquoi? Sans doute parce que le marketing en a décidé ainsi, cédant ainsi à la vision caricaturale du joueur que tout le monde connaît trop bien: un jeune mâle frustré qui cherche à se réaliser à l’aide d’un avatar virtuel, qui a besoin de muscles saillants et de gourgandines peu vêtues pour se sentir viril. Tout est donc fait pour conforter cette vision insultante du joueur, quitte à priver des romans de qualité de toute leur finesse.

Attention au message!

Petite digression avant de conclure: j’ai apprécié Bayonetta, aussi sexualisé qu’il soit; je n’ai aucune critique à faire à tous ces jeux de combat où hommes comme femmes sont hypersexualisés. C’est la plastique du jeu, c’est beauf et débile. J’adhère ou je n’adhère pas, peu importe, mais ce n’est pas un crime de décider qu’un jeu sera racoleur et bas du front. Le problème de The Witcher III n’est pas la sexualisation outrancière mais le message qu’il représente. Contrairement à d’autres jeux qui véhiculent le même cliché, il a un point de comparaison, ce qui met en évidence les différences. Et donc la démarche vulgaire et insultante. Là où je vois un problème, c’est que ce jeu est porté aux nues, malgré la vision répugnante des joueurs qu’il porte. Pour peu que l’on cherche à faire la promotion du médium vidéoludique, vanter ce jeu est problématique, car cela revient à véhiculer des clichés dégradants.

J’ai abandonné le jeu aux deux tiers de sa quête principale et, malgré ses indéniables qualités, j’aurais de la peine à le recommander. Et je conclurai par une suggestion à toutes les personnes qui promeuvent le jeu vidéo: un jeu peut être beau, avoir une narration réussie et véhiculer un discours méprisable et nuisible au médium, The Witcher III en est une bonne illustration.

Pour Contre
Le jeu est beau (nature, ville, personnages)  Le gameplay (combats, quêtes) est perfectible
+ Le système de jeu (gameplay, quêtes, scénario) tient la route  Le manque de fluidité nuit à l’immersion
+ L’open world est convaincant  Le jeu est plus agréable à lire qu’à jouer
+ L’univers fourmille de vie  Difficile de conseiller le jeu quand on connaît les livres
+ La narration est immersive et intéressante  L’adaptation de l’univers est une insulte aux joueurs
 Le message que porte le jeu est problématique

8 thoughts on “Concours rédactionnel 2018 – Sélection prix du public

  1. J’ai beaucoup aimé l’article sur Mini Metro, donc mon vote lui revient 🙂

    Mais j’ai beaucoup aimé les autres, bravo aux participants et aux participantes !

  2. Honte à moi! Je n’ai pas pris en compte qu’il n’y a qu’un seul fil de commentaires et pas un par chronique… Je vote donc pour Tales of the Abyss.

  3. Comme ça ne se fait pas de voter pour sa propre chronique, je vote pour celle-ci!
    Un jeu méconnu, un scénario intéressant, une chronique réussie.

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