Outer Wilds

Il existe des œuvres avec lesquelles on entretient une relation particulière. A chaque partie, on prend soin de fermer la porte à clé et on éteint tout appareil susceptible de nous déranger (et on maudit pendant des semaines celui ou celle qui osera braver l’interdit). Lorsqu’il s’agit de ces moments quelque peu intimes, certains mentionneront leurs sessions de Journey, d’autres feront référence à un épisode de Metal Gear Solid, quant à moi je vous parlerai d’Outer Wilds.

Développeur : Mobius Digital
Distributeur : Annapurna Interactive
Date de sortie : 29 mai 2019
Plateforme(s) : PC, Xbox One
Genres : Aventure, Exploration

Tout (re)commence par un réveil

L’expérience débute au coin du feu. Nous ouvrons nos quatre yeux d’extraterrestre tout en partageant un marshmallow grillé avec un ami. On a un peu la boule au ventre il faut avouer, car on apprend qu’aujourd’hui est un grand jour : nous partons à la conquête de l’espace! Les autres habitants du petit village nous rassurent comme ils peuvent. Ils nous envoient dans le petit musée de l’observatoire du coin où l’on fait connaissance des multiples exploits de nos prédécesseurs ; ces derniers n’ont pas fait les choses à moitié car ils ont découvert les vestiges d’une ancienne civilisation particulièrement avancée technologiquement : les Nomaï! Cependant, notre expédition sera une première, puisqu’elle se fera en compagnie d’une petite pépite fraîchement sortie des laboratoires locaux : un traducteur de textes extraterrestres.

Si nous nous perdons, ce n’est pas grave nous dit-on. Nous avons également en notre compagnie un détecteur de fréquence nouvelle génération qui pointe vers divers signaux tels que les instruments de musique de nos autres camarades partis en mission (notre espèce s’avère être un grand peuple de mélomanes) ou encore les fluctuations quantiques anormales du cosmos. Apaisé, on se dirige alors vers le sommet du bâtiment pour acquérir les codes de lancement de notre engin. En sortant, une drôle de statut Nomaï du musée semble s’intéresser particulièrement à nous et nous hypnotise d’un regard terrifiant. Bref, cela ne doit sûrement pas être très important, ça doit être le stress du départ. Partons à l’aventure!

Outer Willds - Traducteur
Le petit traducteur portatif.

Dans l’espace, tout le monde vous entend chanter

L’odyssée spatiale ne peut se réaliser sans un compagnon d’aventure constitué entièrement de bois et de matériaux de récupération, notre vaisseau. Il a l’air assez archaïque vu comme ça mais peut résister à des températures extrêmes ainsi qu’à des ouragans ou des champs gravitationnelles Schwarzschildiens.

Son petit moteur chauffe et en un rien de temps on quitte l’attraction de notre planète. C’est alors qu’on remarque tout le sel du jeu : un système solaire miniature (son diamètre ne faisant que quelques dizaines de kilomètres) avec des planètes et divers objets orbitaux totalement faits par les petites mains du studio Mobius Digital. N’en déplaise aux platistes, il est même possible de faire le tour à pied de la plupart des planètes en quelques minutes.

Outer Wilds - Notre vaisseau de fortune
Notre vaisseau de fortune.

Notre habitude de joueurs se voit alors rapidement interpellée par divers questionnements tels que « Où sont les quêtes? Où dois-je aller?! ». Car oui, et c’est l’atout principale du soft, il n’y a aucune indication préalable. Tel un Magellan traversant l’océan pacifique pour la première fois, c’est à nous de nous organiser. Face à l’immensité des choix qui se dressent face à nous, un explorateur vigilant se dirigera initialement vers la destination la plus naturelle : la lune de notre planète mère.

On met alors en marche le pilotage automatique (qui s’avère assez imprécis et qui n’hésitera pas à totalement ignorer les obstacles dressés entre nous et notre but) et on atterrit comme on peut sur ce corps désertique. C’est ainsi le moment de faire la rencontre d’un autre ami aventurier qui nous fait part de ses petits problèmes autour d’un feu. On remarque que tout en discutant s’affiche en haut de l’écran « Journal de bord mis à jour », indiquant que les informations recueillies sont enregistrées par notre vaisseau. Après s’être rendu compte de cela, on se dit que le temps ne presse pas qu’on peut en profiter pour observer la dynamique des corps célestes ; c’est l’occasion d’apprécier le moteur du jeu, qui, n’étant pas le plus impressionnant du marché, se permet des petites merveilles en termes de direction artistique. Notre soif de voyage a rarement été autant sollicitée. On veut littéralement aller partout et même si l’on ne connait encore rien de ce monde, on remarque au loin que chaque corps semble posséder une caractéristique particulière. Quelle est cette grosse géante gazeuse totalement opaque? Eh mais là-bas, pourquoi deux planètes sont-elles connectées par ce qui ressemble à du sable? Oh mais c’est moi ou au loin j’aperçois un troublant trou blanc?

A pace odyssey

A peine notre prochaine étape planifiée, on entend un drôle de morceau dans notre casque. Nous ne faisons pourtant rien de spécial si ce n’est que de se préparer à redécoller. Soudainement, notre attention se dirige vers notre soleil qui change peu à peu de couleur jusqu’à atteindre un rouge vif. Point plutôt amusant, il gonfle. Point plus inquiétant, il commence à faire sacrément chaud. A peine le temps de réagir et on est mort. Oui, cela fait à peine 20 minutes que l’on a quitté notre planète natale et la partie est déjà finie.

Pendant un temps de chargement, on revoit cette étrange statut Nomaï ainsi que nos actions passées en sens inverse. Et on se réveille. Pas n’importe où, au début du jeu avec notre même ami partageant un marshmallow grillé! Mais cette fois-ci avec les codes de lancement en mémoire. Dans notre vaisseau, nous constatons que notre journal de bord contient toutes les informations de notre précédente expédition. Mais oui, c’est évident! C’est cette statut qui nous a placé dans une boucle temporelle!

Outer Wilds - Temps de chargement
La mort n’est qu’une escale

Le journal de bord constitue ainsi un aspect crucial de notre aventure. Il répertorie toutes les rumeurs lues, traduites ou entendues et nous indique les connexions nécessaires entre elles (sans pour autant trop les expliciter).

Outer Wilds fait partie de cette catégorie fascinante des jeux en 4D (trois dimensions spatiales et une dimension temporelle). Chaque session de 22 minutes verra les mêmes évènements du monde se dérouler indépendamment de notre volonté. La notion de script enclenchée par le joueur lui-même est ainsi totalement étrangère au jeu : c’est à nous de nous adapter au timing du système car il ne nous attendra pas. On se précipitera par exemple le plus vite possible lors d’une run pour atteindre un village Nomaï caché sous le sable dans lesquelles on percera les secrets de leur connaissance impressionnante en physique des particules. Grâce à ce petit exploit, on obtiendra diverses informations qui nous pousseront à attendre patiemment lors d’une autre partie qu’une planète se brise en mille morceaux par son trou noir intérieur pour rejoindre un laboratoire. Ces 22 minutes n’ont pas été choisies par hasard, elles nous permettent de prendre notre temps sans pour autant être frustré par une erreur de notre part nous forçant à revenir au point de départ.

L’opus ne possède qu’un seul objectif : découvrir ce qui a bien pu se passer à cette mystérieuse civilisation extraterrestre… et diable ça en vaut clairement le détour!

Outer Wilds est une pure merveille de narration et de game design. Chaque lieu a été pensé avec minutie et les différents indices sont admirablement choisis pour être ni trop compliqués, ni trop simple. A mi-chemin entre le génie d’enquête de Return of the Obra Dinn et l’aboutissement de monde ouvert de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, cette création ne cessera de vous subjuguer par son histoire envoutante et son univers fascinant. Il y a des surprises partout, tout le temps, et chacune plus incroyable que la précédente. Cela est d’autant plus magnifié par la belle bande originale d’Andrew Prahlow (ayant travaillé notamment sur le film de Ridley Scott Seul sur Mars), qui s’avère être parfaitement adaptée aux différentes péripéties de l’aventure.

Je pourrais vous parler pendant des heures des différentes trouvailles de l’opus mais je n’en ai pas envie car il faut que vous le découvriez par vous-même. C’est l’aboutissement d’un jeu d’exploration pensé par des adultes qui n’ont pas abandonné leurs rêves d’enfants. Et ce avec un rythme, une compréhension totale des distances et du temps, et un soin particulier attribué à chaque détail.

La civilisation supernova

Pour faire un grand jeu vidéo, pas besoin de système de quête complexe, de contenu foisonnant ou d’inventaire très fourni. Outer Wilds nous prouve qu’avec une mécanique de base centrale couplée à un game design ingénieux et un monde cohérent, on permet à la simple curiosité du joueur de se créer sa propre narration. Pendant l’espace d’une quinzaine d’heures, je me suis vu moi, petit être à quatre yeux et son vaisseau en carton-pâte, devenir le plus grand cosmonaute de tous les temps. Merci Mobius Digital!

Pours et contres

Pour Contre
+ Un petit univers cohérent entièrement fait à la main. La maniabilité du vaisseau aurait pu être revue. Le pilotage automatique est quelque fois capricieux.
+ Des idées et secrets à chaque coin de la carte. Mis bout à bout, cela crée une histoire merveilleuse et un final époustouflant. Un moteur graphique un peu daté.
+ Une mécanique temporelle implacable.
+ Une narration sans quête ni indication extra diégétique, faite par la simple curiosité du joueur.

Will Pietrak

 

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