Life is Strange: Before the Storm

Il y a peu de jeux qui me repoussent, et pourtant, le prequel de Life is Strange provoque chez moi une réaction épidermique de rejet et de dégoût. Cependant, quand j’ai pu le tester à la Gamescom 2017, je repartais plutôt positif. Après avoir joué aux trois épisodes qui composent Before the Storm, ce préavis s’est vu piétiné et anéanti par un tsunami de niaiserie insupportable et de choix discutables. Retour sur ma plus grosse déception de 2017, le prequel d’un de mes jeux favoris de 2015… La vie est parfois étrange.

Développeur : Deck Nine
Éditeur : Square Enix
Date de sortie : 31 août 2017
Plateformes : PC, PS4, XBOX ONE
Genre : Aventure, Point and Click

!!! ALERTE SPOILERS !!!

Cette review révèle certains points des intrigues de Life is Strange et de Life is Strange: Before the Storm !

Des paysages flous et sans saveur

Le passage du moteur Unreal Engine à Unity se fait sentir à plusieurs égards, même si les premières impressions étaient plutôt bonnes. De manière générale, les graphismes sont acceptables, mais dès qu’un zoom s’opère sur des objets, on se rend soudain compte que les textures sont tout bonnement atroces. Pour cacher tout ça, Deck Nine a ajouté du flou dans tout ce qui ne composait pas le premier plan, et le soft offre par moment des paysages ressemblant à une aquarelle qui a dégouliné. Pire encore, certains des modèles 3D sont risibles, polygonaux et franchement moches. Et les animations des personnages, très robotiques en apparence, n’aident pas. Si on survole le jeu, rien de trop choquant, mais une fois qu’on se rend compte des animations bancales et des textures brouillonnes, difficile de voir autre chose.

La modélisation d’un cylindre est apparemment trop compliquée…

Subtilité, où es-tu passée ?

S’il y a un mot que Before the Storm déteste, c’est bien « subtil ». Qu’il s’agisse de ses personnages, de son histoire et de son univers, rien n’est fin, tout est grossièrement exagéré au point où ça en devient ridicule. Le pathos (littéralement « douleur » en grec, définit le processus rhétorique utilisé pour émouvoir) est tellement appuyé que chaque scène passe du touchant, au dégoulinant, à l’insupportable. Je m’explique.

Le premier gros problème de ce prequel est sa nature-même de prequel : le jeu vit tellement dans l’ombre du premier opus qu’il ne prend pas la peine de donner du contexte à son histoire, qui est, finalement, le même que dans le premier Life is Strange. Dans ce dernier, lorsqu’on rencontre le personnage de Chloe Price, elle est seule car son amie Rachel Amber a disparu, encore en deuil à cause de la mort de son père il y a cinq ans, en colère contre le nouveau mari de sa mère, et rebelle car elle ne voit rien de bon dans ce monde qui lui est hostile. Et dans Before the Storm, Chloe Price est seule car son amie Maxine Caulfield a déménagé, encore en deuil à cause de la mort de son père il y a deux ans, en colère contre le nouveau copain de sa mère avec qui elle compte se marier, et rebelle car elle ne voit rien de bon dans ce monde qui lui est hostile. Outre le fait que ce contexte copié-collé sous-entend que Chloe n’a pas évolué en trois ans, le véritable problème tient du fait que Deck Nine ne donne jamais le contexte que j’ai pris la peine de décrire, ce qui demande donc au joueur d’avoir fini le premier jeu avant de s’attaquer à ce nouvel opus. J’imagine sans autre un joueur voulant débuter la série par le prequel ne pas comprendre la moitié des actions et réactions des personnages… Ce n’est pas acceptable.

Les trois ans entre les deux opus ont dû être des années merveilleuses pour Joyce, la mère de Chloe… (trad. « Ce n’est pas une maison. Pas tant qu’il est là. »)

Before the Storm narre la rencontre entre Chloe et Rachel Amber, un personnage important du premier jeu, et leur quasi romance. Cette amitié est purement et simplement atroce, et je n’arrive pas à la considérer comme telle. Alors quand le jeu sous-entend qu’il y a peut-être plus que de l’amitié entre les deux demoiselles, autant dire que je n’y crois pas une seule seconde. De toute façon, il ne l’assume pas. Leur relation ne marche pas, et ce pour plusieurs raisons. La première est le comportement de Rachel, qui manipule Chloe tout au long des deux premiers épisodes, avant de changer complètement d’avis au début du troisième. On nous montre d’abord une relation toxique avant de nous faire croire qu’elles sont les meilleures amies du monde, ce qui ne fait aucun sens. D’autant que l’histoire se passe dans un laps de trois jours. Non seulement leur amitié ne paraît pas saine, mais en plus elle se voit incroyablement rushée, au point où certains moments de doutes entre les deux en deviennent presque drôles. Enfin, les deux personnages principaux sont mal écrits et insupportables à suivre. Aucun n’est attachant. Aucun n’agit de manière rationnelle. Aucun n’est cohérent avec lui-même. Et le pire, c’est que le peu de personnages intéressants, attachants et touchants sont considérés comme des salauds, comme la mère de Chloe et son copain. Et n’espérez pas voir des choses intéressantes en-dehors de la relation Chloe-Rachel. Les autres intrigues sont tout autant niaises et ratées, pour des raisons similaires.

Regardez comme on est subtiles avec nos dialogues et la caméra !!! (trad. « Comment est-ce qu’on sait où est le haut quand notre vie est sens dessus dessous »)

Enfin, toujours concernant le manque de subtilité, l’utilisation du pathos est tellement ahurissante que le jeu en devient ridicule. Cela se traduit par des acteurs qui parlent lentement… très lentement… trop lentement… tout cela pour souligner les sentiments des personnages. Mais cela ne marche pas puisque tout le jeu est narré de cette manière. Un autre exemple de manque de finesse, cette fois-ci dans un passage de préfiguration : une bonne partie de l’histoire se passe alors qu’un immense feu de forêt, qui est déclenché à la fin du premier épisode par Rachel, ravage les alentours de la ville. Le premier épisode va donc nous laisser des indices quant à la catastrophe à venir, en nous harcelant avec des moments de prévention contre les feux de forêt. Au final, l’idée de faire un prequel n’était pas mauvaise, mais l’exécution est ratée sur de nombreux points, et les quelques bonnes idées sont noyées dans un océan de niaiseries et d’écriture foireuse.

Dans ses cauchemars, Chloe discute avec son père et ces passages sont très bons, car ils n’en font pas des caisses.

Un jeu ancré dans le réel

Là où le premier Life is Strange se séparait des autres jeux narratifs à la TellTale par une mécanique de voyage dans le temps, Before the Storm s’ancre dans notre réalité en retirant tout élément paranormal. Bien que l’idée soit louable, l’exécution est en demi-teinte. Déjà car les acteurs sont vraiment mauvais et que les animations sont bancales, mais aussi car le jeu introduit une nouvelle mécanique hallucinante de bêtise : le « back-talk ». On pourrait penser que cela sert à habilement argumenter en notre faveur pour accéder à une zone qui nous est normalement interdite, mais il s’agit en réalité d’un concours d’insultes dans lequel Chloe, une adolescente de seize ans, parvient à convaincre des adultes de la laisser passer en les clashant et les insultant. On répond par exemple, face à un videur qui voit que nous sommes trop jeune pour aller voir un concert et qui nous demande s’il n’est pas l’heure d’aller au lit, que c’est à lui d’aller au lit, et il nous laisse entrer. On se rend vite compte que pour un jeu qui prône le réalisme de ses conversations, il est en complet décalage avec la réalité.

Les objectifs sont écrits sur la main de Chloe et sont consultables en tous temps.

Pire encore, là où le premier Life is Strange laissait au joueur des choix touchants et importants qui, certes, étaient remis en question au final, il parvenait à maintenir l’illusion du choix jusqu’à la dernière seconde. Ici, c’est tout le contraire. Le soft se vend comme étant rempli de décisions qui changeront le cours de l’histoire et la relation entre Chloe et Rachel, mais en réalité, rien de tout cela n’est vrai, bien au contraire. Chaque choix que l’on fait n’a quasiment aucune importance, et dans le cas des dialogues, c’est particulièrement visible. Quand on a le choix entre dire « non » et « non » sur un ton ironique, dans un jeu qui prône la liberté du joueur, difficile d’être crédible. J’ai rejoué certains passages en prenant des choix entièrement différents, et rien ne changeait. Une seule décision importe réellement sur la fin et donne lieu à des fins alternatives, mais ce n’est pas assez.

Entre « oui » et « oui », qu’elle est la bonne réponse ? Difficile à dire…

Musiques indés

La musique est d’excellente facture, avec une bande-son faisant la part belle aux artistes indépendants, même si les trois quarts des pistes ont été composées par Daughter. La plupart des morceaux traitent des thèmes et des problématiques que soulève le jeu, aussi mal traitées soient-elles, et ajoutent une touche agréable à l’ensemble. Mention spéciale à « Burn it Down », probablement ma chanson préférée de l’OST.


« Burn it Down » est à 26:33, mais le reste de la bande-son est d’excellente facture également.

La vie est étrange…

Passer d’un de ses jeux favoris à un des softs que l’on supporte le moins est un changement à souligner. On sent le changement d’équipe et, même si les employés chez Deck Nine ont un énorme respect pour le matériau de base, ils n’arrivent pas à la cheville du jeu original. L’histoire est rushée et portée par des personnages détestables, et l’ensemble manque de cohérence et de subtilité. On se retrouve face à un jeu au potentiel énorme, mais aux aboutissements risibles, clairement dans l’ombre du premier. Vraiment dommage.

 Pour et contre

+ Une bande-son au poil  Histoire rushée avec une écriture atroce
+ Quelques bonnes idées, notamment les cauchemars  Personnages détestables
  Les acteurs à la ramasse
  Des graphismes pas à la hauteur du premier
  Le « back-talk » est une mécanique discutable
  Manque aberrant de subtilité sur toute la ligne

Ante

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