Conférence de Kate Edwards: « A Quick Guide to Building Game Worlds with Culturalization »
À notre arrivée à Zurich — dans le froid et sous la pluie — chacun de nous a reçu son « pass press » mentionnant la très longue liste des activités et conférences de la Ludicious 2018. Contrairement à la taille et au nombre des locaux utilisés par le festival, les nombreuses lignes nommant et décrivant les présentations de la journée étaient particulièrement impressionnantes. Après un rapide coup d’œil dans la salle d’exposition des jeux indépendants suisses, nous nous sommes naturellement dirigés vers le lieu abritant un flux presque non-stop de conférenciers. À 10h00 tapante, nous voilà assis dans les premiers rangs pour boire les paroles d’une grande dame du monde vidéoludique: Kate Edwards.
Vous ne la connaissez peut-être pas, mais Kate Edwards a déjà un certain bagage dans le domaine du jeu vidéo. Diplômée en géographie et en cartographie, elle a travaillé Microsoft pendant une décennie avant de fonder sa propre firme de consultation spécialisée dans la culture et la stratégie de contenu dans les jeux vidéo. Outre ce dernier titre légèrement barbare que je tenterai d’expliquer plus loin, il faut noter qu’elle a collaboré avec les développeurs de nombreux jeux triple-A, comme Dragon Age II et Star Wars: The Old Republic. Le CV en jette clairement !
Avant de se lancer dans le cœur du sujet, Mrs. Edwards nous explique la chose suivante: les conférences qu’elle donne généralement sur le thème du jour tiennent sur une longue journée ; or, le temps qui lui a été attribué ici est de trente minutes. Autant dire que la rapidité et l’efficacité sont de mise, et que le tout sera tellement condensé qu’il ressemblera davantage à un résumé de résumé. Nous sommes prévenus.
Elle continue en expliquant brièvement son job qui consiste principalement à pointer les incohérences historico-géographiques dans des univers vidéoludiques, ou à mettre en garde les développeurs sur des éléments de leur soft qui pourraient offenser des croyances ou nations (je me permets d’utiliser mes propres mots, tout en vulgarisant légèrement ses propos). Par exemple, dans un jeu de la saga des Fallout, qui se situe dans un univers post-apocalyptique, il existe des vaches à deux têtes, fruits d’une mutation génétique liée au nucléaire. Cette addition, qui semble pourtant anodine, a énormément heurté la sensibilité de l’Inde, chez qui la vache est sacrée. Sans changement du côté des créateurs du jeu, le pays concerné se devait de tout simplement boycotter l’œuvre. Un autre exemple nous vient de la série des Age of Empires qui narre de grandes batailles historiques. Certaines nations, n’ayant pas encore mis leurs livres d’Histoire à jour, ne sont pas forcément d’accord avec ce qui est raconté dans d’autres pays (et, en l’occurrence, dans Age of Empires). C’est pourquoi, il a été demandé aux studios de développement de changer les victoires de quelques peuples du jeu (oui, on parle bien ici de propagande). Citons également deux jeux qui se situent dans des univers complètement dissociés de notre planète Terre et qui intègrent soudainement, sans raison, des éléments propres à notre culture: des tombes en forme de croix pour le premier, et des moulins à prières bouddhistes pour le second. Dans tous ces cas de figure, Mrs. Edwards est engagée pour prévenir les personnes responsables des jeux de ce genre de maladresses; la décision finale de modifier ou non le code du soft revient évidemment aux développeurs et producteurs.
Bref, le sujet est vaste et fascinant, et le temps s’écoule à une vitesse folle. Malgré son énergie et sa rapidité, notre conférencière se voit rappeler l’heure à chaque minute dépassée. Inutile de préciser que la séance de questions-réponses a été également vite expédiée. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir des choses à demander. La présentation n’en a néanmoins pas été moins magistrale ; j’en ressors bien plus conscient des difficultés éprouvées par les différents acteurs du domaine du jeu vidéo.
Rétrospectivement, je peux vous le dire: Kate Edwards était de très loin la plus passionnante des intervenantes de la journée. Cet avis est évidemment subjectif et aurait pu changer si nous avions assistés à toutes les présentations du long week-end, mais je vous invite tout de même à vous intéresser au travail de cette femme. Une demie-heure, c’était bien court, mais malgré tout, très intense. Et, même si je regrette l’aspect trop rapide — voire bâclé — de la présentation, j’espère sincèrement avoir l’occasion de participer à une autre plus longue conférence de cette personne !