Dix longues années après la sortie de l’opus original Xenoblade Chronicles, Monoltih Soft nous gracie enfin d’un successeur (si on ne compte pas la bizarrerie qu’était Xenoblade Chronicles X) à ce jeu débarqué de nulle part qui a conquis nombre de joueurs. Après une suite de trailers qu’on peut qualifier de très japonais, la hype était des plus grandes. Alors, qu’en est-il? Un succès relevant le challenge de suivre l’un des RPG les mieux reçus par la critique de l’histoire ? Ou une déception ne se montrant pas à la hauteur des jalons posés en 2007 ?
Développeur : Monolith Soft
Editeur : Nintendo
Date de Sortie: 1 Décembre 2017
Console(s) : Nintendo Switch
Genre : RPG
L’odorat
Tension, suspense et résolution. Tels étaient au départ les ingrédients pour créer un Xenoblade parfait, mais accidentellement les développeurs ajoutèrent un autre élément à cette mixture : l’innovation!
Vous incarnez Rex, un jeune récupérateur de matériaux vivant sur un titan qui lui sert de vaisseau. Embarqué dans une mission un peu louche, il rencontre une équipe de « pilotes », de valeureux guerriers possédant des « lames ». Les lames sont des armes et des personnages à la fois et sont liées à un pilote jusqu’à la mort. Plus tard, Rex deviendra aussi pilote et le jeu se concentrera donc essentiellement sur les mécaniques qui les entourent! Comme ses prédécesseurs, cet opus fait progresser le joueur dans un immense univers en agrandissant son équipe au fil de l’aventure. Mais cette fois-ci, il est également possible d’éveiller des lames et d’en posséder un très grand nombre en les assignant à chaque personnages de l’équipe! Celles-ci ne sont cependant pas de simples armes : elles ont des capacités spéciales, des éléments qu’elles maîtrisent et – pour certaines – un design particulier accompagné d’une personnalité unique!
Alors où est l’innovation là-dedans ? Et bien partout. Le scénario est affecté et même conduit par la relation entre les humains et les lames, le système de combat est centré sur la collaboration entre un pilote et sa lame et les quêtes annexes demandent l’utilisation des lames dans leur réalisation! Les combats subissent une amélioration très importante. Le système auparavant qualifié d’un peu trop compliqué et aléatoire est simplifié pour atteindre une forme plus intuitive mais tout aussi profonde que précédemment ! Le principe de base reste : les personnages effectuent des « auto-attaques » régulièrement, alors que les capacités spéciales sont sélectionnées par le joueur dans le timing souhaité, pour autant qu’elles soient pleinement chargées. En améliorant sa maîtrise des mécanismes de bataille, le joueur pourra ensuite effectuer des enchaînements en utilisant habilement les éléments des lames appartenant aux membres de son équipe.
De prime abord, les possibilités semblent bien exploitées. On se lance alors dans une aventure qui en surprendra plus d’un.
Le toucher
Pour un RPG, les contrôles au sens premier du terme ne sont pas l’aspect qui est le plus important. Bien sûr, il faut des logiques de bases intuitives et intelligentes afin de ne pas faire involontairement des trucs débiles… pas de soucis à ce niveau-là. Peu importe qu’on utilise une manette Pro ou des joy-cons, on se ballade et on interagit sans soucis avec l’environnement.
C’est au niveau de la navigation dans les menus qu’on a tendance à se perdre. Quand il s’agit de voyager d’un endroit à l’autre, de modifier son équipement ou son équipe, les opérations ont tendance à se rallonger bien plus qu’il ne serait nécessaire. C’est regrettable sachant que le jeu demandera souvent au joueur de modifier son équipe afin d’avoir les bonnes lames pour effectuer certaines tâches. Un rangement un peu plus méthodique et intuitif aurait donc été préférable. Cependant, il s’agit là de critiques gratuites, car il est évident qu’avec un jeu si profond et développé, les confusions sont presque inévitables. Les raccourcis attribués à certains boutons et quelques indicateurs sur l’écran aident toutefois à palier à ce problème.
La vue
C’est encore une réussite visuelle pour la Switch! Les environnements et les ambiances graphiques sont simplement époustouflantes. Chaque titan sur lequel on se ballade, chaque ville dont on foule le sol, chaque bâtiment dont l’entrée nous est ouverte, tout cela est travaillé jusque dans le moindre détail (sauf l’herbe qui n’est, comme très souvent, pas très bien animée). On se repère très vite bien dans les niveaux pourtant immenses et vastes. L’impression de petitesse face aux forces de la nature est parfois pesante, ce qui amène une atmosphère de découverte et de voyage au même titre que dans des jeux comme Breath of the Wild ou Horizon Zero Dawn.
Les design des personnages, des lames et des ennemis sont excellents et débordent de personnalité, même lorsqu’il s’agit de personnages génériques. Le choix d’une direction graphique axée sur le modèle de l’animé japonais est, à mon avis, très pertinent. Ce style graphique vieillit mieux que les effets CGI, et s’inscrit en cohérence avec l’univers du jeu. Evidemment, cet aspect d’animé a aussi son côté négatif d’un oeil d’étudiant européen. Certains personnages féminins exhibent, à mon goût, d’avantage de peau qu’il n’en serait nécessaire. Par les temps qui courent, la sur-sexualisation des femmes dans les jeux vidéo est, à mon avis, d’un mauvais goût très inutile. Il s’agit là de questions qui sont fondamentalement culturelles dans ce cas, mais le féministe en moi ne peut pas s’en réjouir.
Ces éléments renforcent à mon sens l’un des plus grands points forts de ce jeu : l’univers. Comme dans le premier opus, c’est un monde qui semble si cohérent et vivant que l’on se prend encore plus à l’histoire. Pour moi, c’est digne de Star Wars ou du Seigneur des Anneaux (oui, je l’ai dit) ! Tout est connecté, mais on sent les différences naturelles et culturelles entre les différents lieux, et le design des environnements et des organismes vivants joue un rôle important là-dedans.
On mentionnera tout de même la difficulté de la console à charger certains environnements, ce qui nous laisse parfois avec quelques secondes d’images assez moches, surtout lorsque l’on utilise la téléportation d’un point de repère à un autre. Il arrive également, lorsque trop d’ennemis ou de personnages sont présents à l’écran, que le jeu ralentisse un peu ou nous serve de bugs graphiques et d’animation qui peuvent au mieux être très drôles, au pire vous faire perdre un combat sans raison (ce qui est tout de même très rare).
L’ouïe
Le premier jeu de la série avait marqué par sa bande-son exceptionnelle. Sa suite m’épate, car malgré une barre mise en dessus de la stratosphère, elle réussit à surpasser cette prouesse.
Par où commencer? Premièrement, les voix britanniques sont de retour. Comme dans le premier opus, les doubleurs fournissent ici un travail excellent pour faire ressortir les émotions des personnages, mais également leur côté auto-dérisoire. Malgré quelques problèmes de synchronisation avec l’image, les voix rendent les (très) longues cinématiques très appréciables. Par contre, les personnages et ennemis restent beaucoup trop loquaces durant les combats. Je vous jure qu’au prochain soldat ardainien qui me dit « THINK YOU CAN TAKE ME!? », j’explose l’écran qui me sépare de lui.
Et la musique dans tout ça ? D’accord. Je sais que l’absolutisme peut être mal vu et que c’est une question de goûts, mais honnêtement je ne vais pas m’en priver (c’est mon article, zut). La musique du jeu est tout simplement parfaite, et que ceux qui ne sont pas d’accord viennent se battre (avec mes gardes du corps)! Les ambiances des lieux sont retranscrites musicalement avec virtuosité et finesse. La grande plaine de Gormott avec son thème épique la journée mais calme la nuit. La citadelle et ses chants envoutant. Mor Ardain et son fond sonore qui rappelle la domination militaire. Les musiques de combat qui rappellent l’intensité de ceux-ci. Bref, je n’arrive pas à penser à un seul moment où la musique n’est pas parfaitement adaptée au lieu et à la situation, et dans la plupart des cas cette même musique participe au sentiment que le joueur développe. Le tout est parfaitement orchestré et va fouiller dans des styles musicaux très variés allant du rock puissant en passant par des mouvements classiques dignes de thèmes des plus grand Walt Disney, pour aller explorer des genres inattendus dans un tel jeu comme les chorales lyriques religieuses ou la musique électronique.
Le goût
Pour moi, 2017 s’est terminé sur ce jeu qui m’a également accompagné pour le début de 2018. Quelle belle manière de faire la transition ! Malgré quelques défauts mineurs, Xenoblande Chronicles 2 ravira tous les fans de RPG. Durant les 70-80 heures que la campagne principale comporte, j’ai vu des environnements magnifiques, des personnages attachants, une histoire pleine de suspense et de rebondissements, une courbe de difficulté très bien gérée, un système de combat intéressant, des quêtes annexes utiles, un système de crafting intuitif, des pièces musicales magnifiques et des cinématiques pleines d’émotion qui m’auront arraché quelques larmes. De plus, pour ceux qui voudraient en drainer jusqu’à la dernière goutte, les quêtes annexes et ennemis spéciaux à vaincre peuvent rajouter une bonne trentaine d’heures de jeu à l’expérience.
Alors certes, tout le monde n’est pas fait pour ce type de jeu. Les sessions doivent être longues : jouer moins d’une heure d’affilée rendrait l’expérience presque frustrante et inutile. Il faut être prêt à se laisser porter : les cinématiques, bien qu’impressionnantes et fondamentales, peuvent être longues (certaines durent jusqu’à une bonne vingtaine de minutes). Il faudra réfléchir : les combats sont complexes mais accessibles, mais il ne suffira pas d’enchaîner les attaques pour s’en sortir contre les ennemis les plus tenaces.
Cependant, ceux qui cherchent une expérience de jeu satisfaisante et engageante trouveront dans ce jeu quelque chose de spécial. Il est de ces jeux qui marquent un joueur parce qu’ils vont plus loin. Plus loin dans la réflexion, dans l’émotion, dans l’implication du joueur dans la trame narrative. Xenoblade Chronicles 2 m’a permis de m’identifier aux personnages et à l’histoire et d’avoir, à travers l’expérience de jeu, le sentiment d’une transmission de valeurs, d’un message fort sur l’importance de l’entraide, de la persévérance, de l’honnêteté et même de la remise en question de ses propres actions. Les concepts de bien et de mal ne sont pas clairs, rien n’est manichéen, tout pousse à la réflexion. A mon avis, Xenoblade Chronicles 2 n’est pas seulement un excellent jeu, mais également un exemple parfait de la légitimité du jeu vidéo à être considéré comme une forme d’expression artistique à part entière.
Les pour et les contre
+ Système de combat profond et novateur mais à la prise en main intuitive | – Menus pas très bien rangés |
+ Bande-son au top ! | – Ces personnages ne la ferment jamais ! |
+ Graphismes et art-style au top ! | – Difficultés graphiques ponctuelles |
+ Scénario excellent, de quoi se faire retourner le cerveau plus d’une fois | – Gestion maladroite du genre |
+ Un univers qui s’étend et s’épanouit | |
+ Bonne utilisation des quêtes annexes | |
+ Un jeu qui pousse à réfléchir sur soi, sur l’autre, sur la vie… |
Enjoy!