Doom: un jeu, des portages

Si Doom a connu un tel succès tout le long des années 90, c’est qu’en plus d’être un excellent jeu inventant le genre du FPS à lui même, il a pu bénéficier d’un nombre conséquent de portages. À un tel point qu’il est presque devenu évident de porter le titre sur tous les nouveaux supports possibles, d’une console en manque de nouveaux jeux comme la Switch à son frigo intelligent. Revenons alors sur les origines de la flexibilité de portage du jeu, et ses portages les plus marquants.

Le 7e jour, Dieu créa Doom

Avant de devenir un jeu iconique mais certes vieillot et pixelisé, il faut savoir qu’à l’époque le jeu était également une démo technique assez impressionnante. En effet, la 3D en temps réel était encore très rare (la Playstation sortira 2 ans plus tard, 3 ans pour l’Europe). Les ordinateurs n’avaient d’ailleurs pas de carte graphique dédiée et les consoles étaient construites pour afficher de la 2D. Les calculs 3D demandaient une très grande puissance de calcul, et surtout des formats de calculs pour lesquels le hardware de l’époque n’était pas optimisé (sans parler de l’espace de stockage très limité). Mais alors comment id Software a-t-il pu créer un jeu aussi fluide et « beau » (on rappelle qu’il y avait même une gestion basique de la lumière en plus!) et avec un matériel si peu puissant ?

La réponse est, comme pour la retro-compatibilité de la PS5, dans le mensonge. Oui vous m’avez bien entendu, la Xbox est une bien meilleure machine pour jouer à ses anciens j… ah non pardon. Je disais, oui vous m’avez bien entendu, il y a mensonge : le jeu n’est pas « réellement en 3D ». Si vous êtes attentifs à l’agencement des niveaux, vous remarquerez qu’aucune salle ne se superpose à une autre. De plus, il suffit pour vous de tirer dans la direction d’un ennemi pour l’atteindre, indépendamment de s’il se trouve dans l’axe de votre shotgun ou non pour l’atteindre. En fait, le moteur du jeu (i.e le programme qui calcule l’image à afficher) ne fait que des calculs en deux dimensions. Pour cela, il choisit dans un premier temps de diviser la pièce en sous catégories, suivant leurs hauteurs. Il analyse ensuite quels éléments sont visibles par le joueur, et les rend un par un, par une simple modification d’une texture.

Une petite vidéo anglophone qui explique en détail le processus de rendu du premier Doom pour les plus intéressés

Cette astuce permet d’éviter tout calcul 3D à la machine, tout en proposant ce véritable sentiment de profondeur venu du futur des années 90. Bien sûr, tous les problèmes ne sont pas réglés vu la variété des supports de l’époque, mais cela permet, en théorie, de pouvoir adapter le jeu sur une multitude de machines, adaptées à la 3D ou non. Cependant, id Software ne s’occupera pas de porter son propre jeu, mais fera appel à d’autres entreprises, qui chacune mettra aussi son grain de sel dans le processus de programmation.

Doom sur Super Nintendo, mais à quel prix

Si vous faites parti des personnes ayant fait le terrible choix de prendre une Super Nintendo plutôt qu’une Megadrive, sachez qu’avant que je supprime votre existence de la terre, vous pouvez jouer sur votre console à une version de Doom. Sortie en 1995 et portée Williams Entertainment, cette version aura 22 niveaux du jeu original, mais fera surtout l’exploit de porter le jeu sur un aussi vieux hardware (à l’époque le hardware vieillissait extrêmement vite !). Malgré sa vieillesse et son infériorité vis-à-vis de sa rivale, la Super Nintendo avait toutefois un très grand atout : la capacité d’intégrer directement dans la cartouche un coprocesseur en mesure d’aider le processeur principal à effectuer des calculs plus lourds. Ces co-processeurs ont permis par exemple la 3D très impressionnante pour l’époque du premier Starfox (avec la Super-FX), et aussi donc ce premier Doom (avec la Super-FX2, réutilisé pour le Starfox 2 qui ne sortira que des années plus tard).

Super NES Retro Review: Star Fox | USgamer

Le Super-FX permettait à la SNES d’afficher une 3D relativement basique, mais impressionnante pour le matériel et l’époque ! (Ici, le premier Starfox)

Cependant, les exploits techniques ne relèvent malheureusement pas de la magie, et les développeurs seront obligés de faire quelques sacrifices. Ainsi, vous remarquerez que le jeu tourne en « fenêtré » à une incroyable résolution de 256 x 224, et pour un framerate relativement bas. Les textures du sol et du plafond sont absentes, et celles présentes très compressées. Les monstres ne peuvent que faire face au joueur, et un grand nombre de bruitages ont disparu. Saluons quand même la performance, et rappelons que les cartouches étaient également présentes chez la concurrence (coucou Virtua Racing).

Doom SNES, ne vous inquiétez pas, la console plisse les yeux pour vous

Doom sur 32X, mais à quel prix

Tous le monde peut faire des erreurs. Cependant, pour Sega, prendre des mauvaises décisions s’est quelque peu transformé en hobby au milieu des années 90. Après avoir sorti le Mega-CD, une sorte d’extension de console qui permettait de lire des jeux CD mais pas beaucoup de bons jeux, le géant bleu sort une deuxième extension, la 32x. On passera rapidement sur la campagne de pub française graveleuse, le nombre ultra-limité de titre (40 dont certains nécessitaient en plus le Mega-CD !) et surtout le fait que Sega sorte la Saturn en même temps au Japon et 6 mois plus tard ailleurs !

Power Supply All-in-One for Sega Mega Drive\Genesis, CD and 32X – Retro Game Supply

N’ayant pas peur, ce monstre est simplement une Megadrive (en bas à gauche) branchée au Mega-CD (à droite) et à la 32X (en haut).

Dans sa courte vie, elle aura quand même eu la chance d’avoir son portage Doom et ainsi faire face à la 3DO et la Jaguar. Cependant, pas de surprise, le jeu n’est pas très fluide (et encore elle s’en sort par rapport à ses concurrentes), une définition de l’écran toujours aussi faible mais surtout une bande originale incroyablement mauvaise. Je vous laisse écouter la différence entre les deux versions :

La version originale (donc sur PC)

La version Sega 32x

Comment a-t-on pu passer d’une ode au métal à une ode aux flatulences ? Pour cela, il s’agit de comprendre comment fonctionnait la 32x. Un peu comme les puces des cartouches SNES, la 32x était littéralement un processeur (plus précisément deux processeurs 32 bits) qu’on branchait sur la Megadrive, et qui pouvait ainsi communiquer avec celle-ci. Le but était, plutôt que de sortir une nouvelle console, d’ajouter de la puissance sur un matériel vieillissant pour un moindre coût. En pratique, la programmation sur ces machines devenait extrêmement compliquée. Il fallait piloter plusieurs processeurs en parallèle (ça n’existait pas à l’époque) pour avoir la pleine puissance de la machine, mais par soucis de simplification, beaucoup de jeux n’utilisait que le processeur de la 32x, et les jeux devenaient donc juste à peine plus beaux que sur Megadrive. Cependant, pour cette version de Doom, le compsiteur-programmeur a eu l’excellente idée d’utiliser le soundchip de la Megadrive originale, qui était reconnu pour être une des faiblesses de la console (la puce était déjà limitée à la sortie de la console, c’est pour dire). Cette farandole de pets participera au début de la fin pour Sega, qui après le 32x perdra des clients s’étant senti lésés par leur achat, tandis que les programmeurs découvriront une Saturn encore plus compliquée à programmer pour les années à venir.

Playstation, c’est plus fort que toi

Après autant de portages foireux, il devenait de plus en plus frustrant pour nous, pauvres joueurs consoles, de ne pas enfin avoir notre version de Doom. Heureusement pour nous, Williams Entertainment est de nouveau appelé à la rescousse, mais cette fois pour nous sortir enfin une bonne version de Doom (et Doom 2 !) sur console. Alors oui la version n’est pas parfaite, avec des salles plus petites, des ennemis moins nombreux (notamment les plus gros) et des textures un peu plus moches. Cependant, si cet épisode est marquant, ce n’est pas seulement pour sa fluiditié (enfin !) mais aussi pour son ambiance sonore. Fini les musiques midi au rythme effréné et aux influences métalliques. Ici, de lents synthés lancinants vous plongent dans une atmosphère lourde et anxiogène. Vous n’êtes plus le monstre assoiffé de sang à la poursuite des pauvres démons. Vous êtes un simple soldat, coincé sur une planète hostile, où les rares ennemis vous attendent à chaque recoin pour vous prendre en embuscade.

Ce changement d’ambiance modifie également tout le ressenti du jeu, qui se balance entre mystère et horreur. Les niveaux labyrinthiques vous font sentir presque claustrophobe, et la recherche des différentes cartes pour ouvrir les différentes portes se transforme en dangereuse exploration où il est facile de se perdre, et encore plus de se faire piéger. Difficile finalement en faisant cette version de ne pas penser à Metroid Prime, pourtant aux antipodes de la license Doom. En bref, si vous voulez découvrir ce premier Doom sous un nouveau jour, je ne peux que vous conseiller cette version.

Pour le plaisir et la comparaison, un extrait de la BO de Metroid Prime

Il existe bien heureusement encore de nombreuses versions de Doom que je n’ai pas pu traiter, de l’injouable (Ti-82) au plus débile (Porsche 911). Devenu une sorte de défi pour tout programmeur, le jeu est finalement disponible sur toutes les plateformes, sa forme originale de shareware permettant même de commencer à y jouer sans dépenser un rond. Aucune excuse alors pour vous alors de ne pas l’essayer !

 

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