La saga Driver a disparu de l’horizon vidéoludique. Elle n’existe simplement plus, après quinze ans d’existence. Et vous n’y jouerez (probablement) jamais. Retour sur une série oubliée.
Mais où est passé Reflections ?
Driver, qu’est-ce que c’est ? Eh bien Driver, c’est selon moi LA série de jeux de conduite. Épurée d’autres éléments de gameplay, elle propose des courses-poursuites démentes et des missions millimétrées jubilatoire dans une esthétique rétro qui rappelle les séries telles que « Starsky et Hutch » et « Shérif, fais-moi peur ». Moteurs vrombissants, dérapages cinglants, muscle cars à l’ancienne, rues américaines typiques et chronos impitoyables sont les ingrédients de la saga qui s’est vendue à plus de seize millions d’exemplaires.
Le 30 juin 1999 sort Driver, sur PlayStation, PC et Mac OS. C’est un jeu de conduite arcade qui met en scène un policier New-Yorkais, John Tanner. Ce dernier s’infiltre dans un gang criminel en tant que chauffeur pour leurs divers casses. Développé par Reflections, studio britannique connu à l’époque pour Destruction Derby, le jeu connait un franc succès. Sans attendre, une saga est lancée une année plus tard avec Driver 2. La série devient rapidement un classique, et s’est finalement étalée sur une période de douze ans. En effet, elle s’achève en 2011 avec son dernier opus, Driver: San Francisco. Mais pourquoi diable la saga a-t-elle disparu de la circulation ?
À vrai dire, c’est une question qui restera probablement à jamais sans réponse. En effet, même Ubisoft, qui publie à présent la série, semble ne pas savoir ce qui adviendra de son futur. Aussi, aucun jeu Driver n’a été annoncé depuis San Francisco. Et puis d’ailleurs, Reflecions est occupé : depuis 2011 iels travaillent sur une majorité des grosses sortie d’Ubisoft, dont les Watch_Dogs et Ghost Recon. À côté, le studio britannique s’attarde principalement sur des jeux à plus petit budget, notamment le très géométrique Atomega et l’étrange Ode. Pour ce qui est des jeux de course chez Ubisoft, la saga The Crew, sur laquelle travaille d’ailleurs en partie Reflections, semble être la priorité. À l’heure actuelle, on peut sans trop se mouiller partir du principe qu’un nouveau Driver n’est pas au programme.
C’est pourtant dommage, car la série en vaut plus que largement le détour.
Un jeu disparu
Driver n’est pas une saga facile d’accès, à une exception près. En effet, le premier épisode se trouve sur abandonware. Ce site recense des versions jouables de softs abandonnés par leurs studios de développements depuis des années. Pour le reste, c’est plus… improvisé, disons. Dans le cas de Driver 2, il n’est malheureusement jamais sorti sur PC. Ainsi, la meilleure option est de se tourner vers la seconde main, même si la cote de la série les rend un peu plus chers que la normale sur PlayStation. Le troisième opus pourrait être plus accessible, puisqu’il est disponible sur ordinateur dès sa sortie. Cependant, seule la démo est disponible en ligne, et il faudra à nouveau préférer l’acheter d’occasion.
Arrivent maintenant les deux derniers-nés, Driver: Parallel Lines et Driver: San Francisco, tous deux publiés par Ubisoft. Chouette, ils sont donc disponible sur UPlay…? Non…? C’est là que le bât blesse : à une date indéterminée, vers la fin de l’année 2016, l’éditeur les retire tous deux de son magasin en ligne. Peu de temps après, ils disparaissent de Steam. Pourquoi ? Comment ? Qui ? Toutes ces questions resteront probablement à jamais en suspens. La meilleure piste serait un non-renouvellement des licences (pour les musiques et/ou les marques automobiles). Nous en sommes donc là : cinq ans après sa sortie, le dernier épisode de la saga devient officiellement introuvable. Cerise sur le gâteau, se le procurer en seconde main coûte à présent jusqu’à 150 dollars sur Amazon. En l’état, Driver: San Francisco n’existe plus en-dehors des piratages et d’une niche de collectionneur.euse.s.
New York — San Francisco, tranquille
Driver: San Francisco a dépassé les estimations de ventes. Il a également obtenu les critiques les plus favorables de la saga depuis Driver 2. Mais il a finalement disparu, abandonné par Ubisoft. Pourtant, il est riche en qualité, construisant sur les solides fondations posées par ses prédécesseurs. Il parvient ainsi, selon moi, à être l’un des meilleurs jeux de conduite auquel vous ne jouerez (probablement) jamais.
Tout a commencé avec Driver, qui propose un gameplay basique. On y trouve un bouton pour accélérer, un pour freiner, et la croix directionnelle pour se déplacer. Et… c’est à peu près tout ! Le cœur de l’expérience, c’est ses contrôles incroyablement simplistes et des courses en monde ouvert dans plusieurs villes américaines, dont New York et Chicago. Pourtant, Driver n’est pas un jeu facile. En effet, notre voiture peut être détruite lors des courses contre la police, ou contre la montre. Driver 2 propose les mêmes contrôles, la même sensation de conduite lourde et arcade, mais rajoute une option cruciale. Car à présent, si notre voiture est détruite, on peut la quitter et en voler une autre dans la rue. Aujourd’hui, cela semble ne pas être grand chose, mais à l’époque c’est une révolution dans la façon d’appréhender les missions. Tout ce qui manque pour en faire un concurrent GTA, c’est des fusillades. En revanche, à sa sortie, le jeu reçoit des critiques mitigées car ils met la PlayStation à genou, et souffre en conséquence d’un mauvais framerate.
Et ça tombe bien, Driv3r (2004) est là pour fournir tout l’arsenal dont on a besoin pour ferrailler à tout va. Tout n’est pas parfait pour autant : la presse spécialisée reproche à cet opus de trop se rapprocher de GTA 3, de souffrir d’une conduite remaniée décevante, d’avoir des bugs, et le tout est passablement désagréable à jouer. Driver: Parallel Lines (2007) vise à corriger ces problèmes, et y parvient, sans pour autant changer la donne. Mais la saga perd peu à peu son identité face à Grand Theft Auto, et Reflections promet de se renouveler au prochain épisode.
C’est là que San Francisco vient tout casser. Exit les côtés GTA-like, fini les fusillades, dehors la conduite désagréable de Driv3r. À la place, un retour aux sources. Littéralement d’abord, puisque la version Wii est un prequel du premier Driver, mais également au niveau de son gameplay, réduit pratiquement au strict minimum qui fait la force de la série. Entre cependant en scène un élément de jeu particulier et novateur, le « Shift ». Désormais, au lieu de sortir de sa voiture pour en voler une autre, on quitte ici notre corps pour se plonger dans celui d’un.e autre conducteur.ice. Délirante mais cohérente dans le scénario (Tanner est dans le coma et rêve tous les événements du jeu), la mécanique permet de rester entièrement concentré sur la conduite. Elle permet également de distinguer clairement le jeu de la concurrence.
Avec tout cela, il y a les graphismes, qui sont tout à fait corrects pour l’époque. De plus, la bande-son est de qualité, et contient un large éventail des classiques du rock. Enfin, Driver: San Francisco propose une large sélection de véhicules, répliques numériques d’une trentaine de constructeurs automobiles. Mélangez le tout, et vous avez la recette pour un des meilleurs jeux de conduite arcade existant.
Les fans prennent le volant
Malgré tout, ces perles (saut peut-être Driv3r et Parallel Lines) sont malheureusement difficiles d’accès. C’est pourquoi il est intéressant de se tourner vers les fans, qui n’en peuvent plus d’attendre. Car si ni Reflections, ni Ubisoft ne veulent pas s’y mettre, pourquoi attendre dans le vide ? Petit coup d’œil au projet The Driver Syndicate, un jeu fait par et pour les fans.
C’est en 2014, avant la disparition des stores en ligne de San Francisco, que la machine se met en marche. D’abord, elle ne consiste qu’en une démo dans une environnement vide, mais elle évolue rapidement. Le but initial était de proposer une expérience multijoueur avec les sensations de conduite du premier Driver. L’idée du multijoueur est cependant rapidement abandonnée, et le développement est finalement mis en pause jusqu’en 2019. Sort alors une version alpha plutôt fournie, avec une histoire et un mode exploration. Plus tard, au fur et à mesure, des détails sont ajoutés, les maps sont agrandies, le jeu prend peu à peu forme.
Aujourd’hui, toujours en alpha, The Driver Syndicate est un projet concret mis à jour régulièrement. Et la qualité est au rendez-vous ! La conduite nous renvoie aux origines de la saga sur PlayStation. Les voitures sont en effet légères, elles dérapent facilement et sont entièrement destructibles. L’ensemble est convaincant, même s’il manque évidemment de finissages. Je trouve personnellement qu’il pêche dans son ambiance lumineuse et ses environnements encore imparfaits, même si, au final, c’est de la musique d’avenir… En parlant de musique, le projet a attiré l’attention d’Allister Brimble, compositeur original de la saga, qui signe le thème principal.
Signé Allister Brimble, le titre est rétro à souhait, et nous plonge aux débuts de la série.
Driver est mort, vive Driver
Vous m’aurez compris : je vous recommande fortement de vous intéresser aux Driver. À travers principalement les deux premiers opus sur PlayStation et San Francisco, la saga a un potentiel énorme. Et même si cette dernière est finalement en pause pour une durée indéterminée, se plonger dans ses épisodes phares permet de découvrir un univers riche en influences et en contenu. De plus, il y a toujours les options communautaires, les fan-games et autres mods, qui raviront les fans hardcores. Driver est une série qui vaut largement le détour, pour autant que l’on aime le genre. Si c’est votre cas, foncez-y les yeux fermés. Sinon, vous en savez maintenant un peu plus sur des jeux largement oubliés !