Jukebox #3 – Master Boot Record

La musique synthétique n’est de loin pas étrangère au monde du jeu vidéo. En effet, dès ses balbutiements sur les micro-ordinateurs et sa démocratisation avec les consoles de salon, le défi de produire de la musique et des bruitages avec un matériel restreint a vu naître la nécessité de faire avec les moyens du bord, en prenant en compte les limites imposées par le hardware. Est ainsi née la musique qu’on appelle aujourd’hui musique 8-bits ou encore chiptune ; des sons produits par les puces présentes dans la console. Est plus tard arrivé le CD, qui permit alors aux jeux vidéo de proposer une bande-son acoustique ; enfin, à l’heure actuelle, les limites hardware sont un problème du passé… Pour autant, revenons tout de même à nos racines, avec un concept simple : de la musique influencées par le métal et le jeu vidéo réalisée avec du matériel moderne construit sur une base hardware de l’époque. Découvrons ensemble le monde apocalyptique de l’artiste Master Boot Record (MBR).

 Hello World

Basé à Rome, en Italie, MBR sort son premier EP « C:\>FIXMBR », le premier septembre 2016. Inspiré par les sons mécaniques, bruts et synthétiques de la chiptune, MBR combine ses passions pour les vieux ordinateurs, la musique 8-bits et le métal dans un projet tout bonnement singulier.

Décrivant son style comme des morceaux de chiptune avant-gardiste mélangeant heavy métal synthétique et musique symphonique classique, il se qualifie comme un système 486DX-33MHz-64MB, 100% synthétique et 100% déshumanisé. Si ça sonne comme du chinois, laissez-moi vous dire que son univers est immensément complexe pour celles et ceux qui ne sont pas familier avec le monde de l’informatique, puisqu’en plus de ses titres étranges comme « +000hex », « IRQ 11 SCSI » ou « 33MHz », ses derniers albums sont accompagnés de crypto-puzzles, véritables chasses au trésor virtuelles pour un accès à du contenu bonus. Ces casse-têtes sont visiblement si compliqués que l’artiste lui-même se plaint du nombre restreint de personnes ayant réussi à cracker le code.

Un look industriel, sombre, noir et blanc ; difficile de faire plus métal que ça !

C’est dans cette richesse et ce projet atypique que le jeu vidéo s’insère, puisque MBR propose gratuitement des reprises, toujours dans son style singulier, de musiques tirées de nombreux classiques, de Zelda à XCOM : Ufo Defense en passant par Street Fighters. Analyse, donc, des influences multiples de MBR sur ses remix.

Random Access Memory

Pour décrire rapidement son style, se pencher sur son album « C​:​\​>COPY *​.​* A: /V » permet d’entrer dans le bain de manière relativement douce. Sachez déjà qu’être fan, ou du moins ouvert·e au métal est un prérequis, ne serait-ce que pour écouter ses morceaux, mais surtout pour se rendre pleinement compte de la versatilité de MBR. L’album commence par quelques notes de synthé, et un son qui pourrait s’apparenter à une guitare vient vite rejoindre l’ensemble : grave et saturé, on touche le juste milieu entre réalisme et adaptation chiptune. Au bout d’une minute trente se greffent une batterie et une basse, pour un passage qui donne vraiment le sentiment d’écouter un album de métal. D’autres instruments viendront prendre part à ce premier morceau, notamment un synthé aigu qui joue à toute vitesse des mélodies folles. Répétez sur plusieurs pistes toutes plus endiablées les unes que les autres, et vous avez là un exemple typique de ce à quoi s’attendre de la part de MBR.


L’album est progressif et agressif. Pas de surprise pour les amateur·rice·s de métal, mais pour les autres…

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Sombre, alternant passages calmes et sur-vitaminés, le projet Master Boot Record a de quoi plaire aux scènes métal et électro. Pour la première, c’est la composition, la grosse caisse et les imitations de guitares électriques qui raviront les métalleux ; pour la seconde, les synthés qui filent à toute vitesse, la chiptune et les boîtes à rythme plairont à l’oreille des amateur.ice.s de musique électronique.

Cette fluidité des genres n’est pas surprenante vu qui a produit et publié une large partie du catalogue de MBR : le label indépendant finlandais Blood Music. Ce dernier se spécialise à la base dans la black métal, et s’est rapidement ouvert à d’autres horizons selon les goûts de son créateur, qui s’est entiché de la scène dark wave. Ainsi, Master Boot Records rejoint la cour des grands, aux côtés de Perturbator, Dan Terminus et Gost, avec son style et ses influences bien à lui.


Je profite pour glisser un autre de ses projets : Keygen Church. Le nom et les sons vont de paire.

Game.exe

Et le jeu vidéo dans tout ça ? On y arrive ! Sachez que Master Boot Records ne serait rien sans ça, puisque l’artiste se découvre une passion pour la musique électronique quand il produit la musique pour un soft qu’il crée avec deux amis, VirtuaVerse. En effet, c’est en avril 2016 que commence le développement du point-and-click cyberpunk, créé de toute pièce par le studio Theta Division, dont MBR fait partie, et publié par Blood Music.

À la Gamescom, j’ai (à gauche), pu tester VirtuaVerse.

C’est seulement après avoir réalisé quelques pistes ambiantes pour VirtuaVerse que l’italien prends goût à la production de musique électronique. Se découvrant une passion, il décide de lancer son propre projet musical. Ainsi naît Master Boot Record, dont le premier EP sort le 1er septembre, la même année.


Son premier EP, déjà baigné dans l’informatique !

Prolifique, il enchaîne alors EPs et albums, déjà mentionnés en partie plus haut. À côté de ça, il reste proche de ses centres d’intérêt et du jeu vidéo, en produisant également quelques morceaux bonus, disponibles gratuitement. Parmi ceux-ci, penchons-nous sur ses reprises des musiques de ses jeux favoris…


On change d’ambiance pour l’OST de VirtuaVerse.

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Ainsi fut créée la playlist WAREZ, dans laquelle MBR y a compilé toutes ses compositions autour du jeu. Petite analyse de ses influences.

Geek dans l’âme, MBR commence son œuvre par Loom, jeu d’aventure réalisé par Lucasfilm Games et sorti en 1990 sur Amiga et Atari ST. Dans ce dernier, on interagit avec le monde imaginaire qui nous est présenté à l’aide d’un instrument de musique. Les notes que l’on joue avec ce dernier auront de multiples effets qui permettront de résoudre des puzzles, un peu comme dans The Legend of Zelda: Ocarina of Time. Bien que Loom soit développé sur le même moteur que The Secret of Monkey Island (sorti la même année et dont le thème principal a aussi été remixé par MBR), il n’est pas pour autant un point-and-click, et seul nos mélodies serviront à avancer dans l’histoire. Un début, donc, sur un jeu prônant l’expression musicale par ses mécaniques laissant libre cours à l’imagination de l’utilisateur·trice : commençant en ne pouvant jouer que trois notes, la progression dans l’aventure permet d’en jouer de plus en plus, et ainsi d’étendre son répertoire…


Majestueuse et tout de même assez sympathique, sa reprise ne manque pas d’énergie.

Ce premier morceau dresse un croquis très probant du portrait de Master Boot Record : fan des jeux d’aventures et des RPGs sortis autour des années 1990, il semble s’orienter vers les softs proposant des univers fantaisistes, originaux ou basés sur des jeux de rôle. Avec des noms parfois difficilement reconnaissables, comme Zak McKracken And The Alien Mindbenders, il met à l’honneur nombres de perles et de classiques, comme HeroQuest ou Ultima, qui font la part belle à la magie, aux sorciers et à d’autres créatures fantastiques. On pourrait penser que ce qui ressort musicalement serait doux et atmosphérique, et on ne saurait être plus loin de la vérité : car ce qui plaît à MBR, c’est bien le heavy métal. Et qu’il s’agisse de la musique de XCOM – UFO Defense ou de The Legend of Zelda, on y retrouve la force et l’atmosphère sombre qui caractérise le genre, se rapprochant presque du doom métal par moment.


Le thème principal de The Legend of Zelda comme vous ne l’avez jamais entendu !

Un autre courant d’influences sont les jeux d’action sortis durant la même période : de Doom à Duke Nukem en passant par Contra, les mélodies agressives et rythmées se prêtent à merveille à son style et ses inspirations musicales. On y découvre donc un second univers musical et vidéoludique, celui de la violence, des coups, des armes et de l’agressivité. C’est au son effréné d’une batterie synthétique que se poursuivent ces morceaux, donnant du punch à l’ensemble. Il va sans dire qu’on a comme une furieuse envie de bouger sur ces sons alternant double-pédale et kick-snare à un rythme endiablé.


Une adaptation très fidèle et originale à la fois !

Action, RPG, aventure, point-and-click, rares sont les genres de softs que Master Boot Record ne met pas à l’honneur. Dans cette optique, il a évidemment touché à une grande partie des séries classiques, de Metroid à Street Fighter en passant par MegaMan. Dans tout ce mélange très hétéroclite, Le seul point commun des jeux dont il reprend les morceaux, c’est leur date de sortie, comprise entre la fin des années 80 et le milieu des années 90. Rétro pour sûr, ce qui s’explique simplement par le fait que c’est la période où il a découvert les jeux vidéo, et de laquelle il n’est jamais vraiment sorti.


Une de mes reprises favorites, celle de XCOM – UFO Defense !

stop

Toujours passionné d’informatique et de vieux ordinateur, il n’est pas surprenant de le voir composer pour un jeu d’aventure point-and-click comme VirtuaVerse. De la même façon, les crypto-puzzles qui accompagnent ses albums, ainsi que les très nombreuses et vastes références au monde des ordinateurs ne font qu’affirmer haut et fort ses passions. Dès lors, se plonger dans son univers musical, c’est aussi se plonger dans son enfance, ses influences, et un passé parfois oublié. Une sorte d’anomalie temporelle très plaisante à découvrir, et dans laquelle je vous recommande vivement de vous plonger ! D’autant que, depuis maintenant une année, Master Boot Record donne des concerts, dans lesquels il joue de la guitare électrique, accompagné d’une vrai batterie. Une expérience qui vaut le détour !


Avouez que c’est tentant !

Ante

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